UNCP UNCP
L'UNCP est le syndicat professionnel des coureurs cyclistes français.
Syndicat de service et de dialogue constructif.
Créé il y a plus de 60 ans, il a pour vocation la représentation des coureurs et la défense de leurs intérêts collectifs et individuels.
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  • Route Pro Championnats de France Cassel 2023 - Photo Bruno Bade
  • Route Pro Photo Bruno Bade
  • Route d’Occitanie 2020 Photo Bruno Bade
  • Tro Bro Leon 2019 Photo Bruno Bade
  • Paris Camembert 2020 Photo Bruno Bade
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Emmanuel Magnien, jeune premier...
 
Brillant dans les sous-bois et rapide au sprint, il réussit un début de carrière fracassant. Il termina deuxième d’un Milan-San Remo et remporta Paris-Bruxelles. Portrait d’Emmanuel Magnien, capable d’accélérations formidables… 
 
Il fallait le voir à ses débuts, le vélo sur l’épaule, pour aussitôt s’en convaincre : celui-là ferait un coureur ! On veut dire, selon le pronostic de Jean-Yves Plaisance, alors entraîneur national du cyclo-cross, « un athlète endurant, nerveux et rapide »[1]. Pourtant, le Magnien dont nous parlons n’avait pas dix-huit ans ; il évoluait dans les rangs des juniors — mais, Dieu qu’il montrait du cran, s’évertuant, devant son public, à rejoindre un certain Richard Groenendaal… C’était le 27 janvier 1989, sur le circuit de Pontchâteau, théâtre d’inoubliables championnats du monde (chez les professionnels, un funambule, Danny De Bie, s’y révélerait). En tête, donc, Groenendaal, garçon trapu, appelé, lui aussi, à réussir une belle carrière. Et derrière, notre Emmanuel Magnien, virevoltant et appliqué, mais malheureusement retardé par un changement de vélo qui le condamnait à la deuxième place. L’essentiel, toutefois, était confirmé : l’immense potentiel du double champion de France junior de cyclo-cross… Les observateurs en prirent bonne note.
La suite ? Des promesses, encore. Décidément supérieur dans les sous-bois, Emmanuel Magnien s’adjugea un nouveau titre national, catégorie amateur, en 1991. Puis, dans la logique du cyclisme français, il gagna sa sélection pour l’épreuve sur route des Jeux Jeux olympiques, disputée à Barcelone, le 2 août 1992. Une course rude, épuisante, longue d’un peu plus de 194 kilomètres. Dans un mauvais jour, l’Ardennais dut en rabattre, ne gardant que le souvenir d’y avoir croisé Erik Dekker, Erik Zabel, Lance Armstrong et Davide Rebellin, ses futurs adversaires chez les professionnels. Car Emmanuel Magnien, bien sûr, savait déjà de quoi son avenir serait fait. Trois années sous le maillot Castorama, avec Cyrille Guimard pour directeur sportif et Luc Leblanc pour leader. Manifestement, l’horizon s’ouvrait devant lui…
Récapitulons. Qui tenait les rênes en 1993 ? Jalabert, Leblanc, Delion, Duclos-Lassalle et Charly Mottet, le dernier rescapé d’un système qui avait produit Hinault, Fignon puis Bernard. Et voilà que ce jeune loup s’annonçait, alignant immédiatement les succès. Oui, quatre victoires dès sa première saison, dont le classement final du Tour de l’Ain et le prologue du Tour de l’Avenir ! Et puis, en 1994, huit autres bouquets, parmi lesquels le classement final du Tour d’Armorique, deux étapes du Critérium du Dauphiné et deux étapes du Tour de l’Oise. Sans oublier que l’intéressé avait terminé deuxième du Grand Prix de Francfort, ce qui confirmait d’évidentes aptitudes pour les classiques. Pour les cols, on était fixé : il ne grimpait pas ! Mais, dans les bosses courtes, dans les virages, les sprints et même dans les contre-la-montre d’une vingtaine de minutes, il déployait une énergie énorme, au point qu’on pouvait le regarder comme un challenger possible pour Laurent Jalabert. Hypothèse corroborée en 1995, lorsqu’il écrasa le Tour de l’Avenir, signant au passage sa vingt et unième victoire. Privé de sponsor, Cyrille Guimard le libéra à regret.
Une vie différente commençait. Ayant à trier entre plusieurs propositions, Emmanuel Magnien opta pour l’aile de Bruno Roussel, patron d’une formation Festina qui regroupait Brochard, Hervé, Christophe Moreau et Richard Virenque. Le bon choix ? Chacun le crut puisqu’il enleva, au mois de janvier, devant Jérôme Chiotti et Patrice Halgand, ses deux équipiers, le championnat de France professionnel de cyclo-cross. Mais, comment dire ? la machine s’enraya. Lui qui partait pour atteindre les sommets se mit subitement à douter, ne remportant, sur la route, qu’une maigre étape du Tour d’Aragon en 1996 et le Tour Méditerranéen la saison suivante. D’où sa décision, en 1998, de rejoindre La Française des jeux et son maillot bientôt frappé du trèfle à quatre feuilles. Si l’on ne devait s’en tenir qu’aux palmarès, le virage pourrait sembler habile, l’Ardennais enchaînant performance sur performance, dont une deuxième place dans Milan-San Remo, derrière Erik Zabel, et dans les Trois Jours de la Panne, derrière Michele Bartoli. Il termina ensuite quatrième du Tour des Flandres, gagna la Polymultipliée et la Coupe Sabatini — quoique quelques signes donnaient à penser que le ressort s’était cassé, et qu’Emmanuel Magnien ne retrouverait jamais plus l’élan des premières années… Payait-il, à son tour, les relents de « l’affaire Festina », laquelle avait prouvé que les cyclistes de son époque se dopaient sans retenue ? Le sûr est que l’ancien espoir, rattrapé par un contrôle positif aux corticoïdes lors du Tour de France 2000, fut suspendu pendant six mois. D’autres auraient tout plaqué ; il revint néanmoins, décidé à monnayer ce qui lui restait de talent. Parce qu’à bien examiner, il demeurait un coursier étonnant, capable d’accélérations formidables. La preuve ? Paris-Bruxelles, le 15 septembre 2001. Dans le dernier virage, après 249 kilomètres et une large vague, ils étaient encore une quarantaine, emmenés par Vainsteins, Baldato, Jo Planckaert, Kirsipuu, Bortolami et Van Petegem. Et puis, soudain, surgit Emmanuel Magnien, redevenu irrésistible pour décrocher la trentième de ses trente et une victoires professionnelles. Longtemps, il y songerait, avant de conclure sa carrière dans les labours, à la fin de l’hiver 2003. « J’ai toujours pris moins de plaisir sur la route », devait-il alors confier[2].
On peut lire cet aveu comme une explication.
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 
 
Emmanuel Magnien en bref 
  • Né le 7 mai 1971 à Sedan.
  • Professionnel chez Castorama (1993 à 1995), Festina (1996 et 1997), La Française des Jeux (1998 à 2001), Bonjour (2002), Brioches La Boulangère (2003).
  • Principales victoires : Championnat de France de cyclo-cross 2006. Tour de l’Ain 1993 ; prologue du Tour de l’Avenir 1993 ; Tour d’Armorique 1994 ; 2e et 4e étapes du Dauphiné-Libéré 1994 ; 1re et 3e étape du Tour de l’Oise 1994 ; prologue, 2e, 9e, 11e étape et classement final du Tour de l’Avenir 1995 ; Tour Méditerranéen 1997 ; Coupe Sabatini 1998 ; Polymultipliée 1998 ; Paris-Bruxelles 2001.



[1] Témoignage à l’auteur. 
[2]Le Parisien du 11 novembre 2003.

Emmanuel Magnien, jeune premier...
 
Brillant dans les sous-bois et rapide au sprint, il réussit un début de carrière fracassant. Il termina deuxième d’un Milan-San Remo et remporta Paris-Bruxelles. Portrait d’Emmanuel Magnien, capable d’accélérations formidables… 
 
Il fallait le voir à ses débuts, le vélo sur l’épaule, pour aussitôt s’en convaincre : celui-là ferait un coureur ! On veut dire, selon le pronostic de Jean-Yves Plaisance, alors entraîneur national du cyclo-cross, « un athlète endurant, nerveux et rapide »[1]. Pourtant, le Magnien dont nous parlons n’avait pas dix-huit ans ; il évoluait dans les rangs des juniors — mais, Dieu qu’il montrait du cran, s’évertuant, devant son public, à rejoindre un certain Richard Groenendaal… C’était le 27 janvier 1989, sur le circuit de Pontchâteau, théâtre d’inoubliables championnats du monde (chez les professionnels, un funambule, Danny De Bie, s’y révélerait). En tête, donc, Groenendaal, garçon trapu, appelé, lui aussi, à réussir une belle carrière. Et derrière, notre Emmanuel Magnien, virevoltant et appliqué, mais malheureusement retardé par un changement de vélo qui le condamnait à la deuxième place. L’essentiel, toutefois, était confirmé : l’immense potentiel du double champion de France junior de cyclo-cross… Les observateurs en prirent bonne note.
La suite ? Des promesses, encore. Décidément supérieur dans les sous-bois, Emmanuel Magnien s’adjugea un nouveau titre national, catégorie amateur, en 1991. Puis, dans la logique du cyclisme français, il gagna sa sélection pour l’épreuve sur route des Jeux Jeux olympiques, disputée à Barcelone, le 2 août 1992. Une course rude, épuisante, longue d’un peu plus de 194 kilomètres. Dans un mauvais jour, l’Ardennais dut en rabattre, ne gardant que le souvenir d’y avoir croisé Erik Dekker, Erik Zabel, Lance Armstrong et Davide Rebellin, ses futurs adversaires chez les professionnels. Car Emmanuel Magnien, bien sûr, savait déjà de quoi son avenir serait fait. Trois années sous le maillot Castorama, avec Cyrille Guimard pour directeur sportif et Luc Leblanc pour leader. Manifestement, l’horizon s’ouvrait devant lui…
Récapitulons. Qui tenait les rênes en 1993 ? Jalabert, Leblanc, Delion, Duclos-Lassalle et Charly Mottet, le dernier rescapé d’un système qui avait produit Hinault, Fignon puis Bernard. Et voilà que ce jeune loup s’annonçait, alignant immédiatement les succès. Oui, quatre victoires dès sa première saison, dont le classement final du Tour de l’Ain et le prologue du Tour de l’Avenir ! Et puis, en 1994, huit autres bouquets, parmi lesquels le classement final du Tour d’Armorique, deux étapes du Critérium du Dauphiné et deux étapes du Tour de l’Oise. Sans oublier que l’intéressé avait terminé deuxième du Grand Prix de Francfort, ce qui confirmait d’évidentes aptitudes pour les classiques. Pour les cols, on était fixé : il ne grimpait pas ! Mais, dans les bosses courtes, dans les virages, les sprints et même dans les contre-la-montre d’une vingtaine de minutes, il déployait une énergie énorme, au point qu’on pouvait le regarder comme un challenger possible pour Laurent Jalabert. Hypothèse corroborée en 1995, lorsqu’il écrasa le Tour de l’Avenir, signant au passage sa vingt et unième victoire. Privé de sponsor, Cyrille Guimard le libéra à regret.
Une vie différente commençait. Ayant à trier entre plusieurs propositions, Emmanuel Magnien opta pour l’aile de Bruno Roussel, patron d’une formation Festina qui regroupait Brochard, Hervé, Christophe Moreau et Richard Virenque. Le bon choix ? Chacun le crut puisqu’il enleva, au mois de janvier, devant Jérôme Chiotti et Patrice Halgand, ses deux équipiers, le championnat de France professionnel de cyclo-cross. Mais, comment dire ? la machine s’enraya. Lui qui partait pour atteindre les sommets se mit subitement à douter, ne remportant, sur la route, qu’une maigre étape du Tour d’Aragon en 1996 et le Tour Méditerranéen la saison suivante. D’où sa décision, en 1998, de rejoindre La Française des jeux et son maillot bientôt frappé du trèfle à quatre feuilles. Si l’on ne devait s’en tenir qu’aux palmarès, le virage pourrait sembler habile, l’Ardennais enchaînant performance sur performance, dont une deuxième place dans Milan-San Remo, derrière Erik Zabel, et dans les Trois Jours de la Panne, derrière Michele Bartoli. Il termina ensuite quatrième du Tour des Flandres, gagna la Polymultipliée et la Coupe Sabatini — quoique quelques signes donnaient à penser que le ressort s’était cassé, et qu’Emmanuel Magnien ne retrouverait jamais plus l’élan des premières années… Payait-il, à son tour, les relents de « l’affaire Festina », laquelle avait prouvé que les cyclistes de son époque se dopaient sans retenue ? Le sûr est que l’ancien espoir, rattrapé par un contrôle positif aux corticoïdes lors du Tour de France 2000, fut suspendu pendant six mois. D’autres auraient tout plaqué ; il revint néanmoins, décidé à monnayer ce qui lui restait de talent. Parce qu’à bien examiner, il demeurait un coursier étonnant, capable d’accélérations formidables. La preuve ? Paris-Bruxelles, le 15 septembre 2001. Dans le dernier virage, après 249 kilomètres et une large vague, ils étaient encore une quarantaine, emmenés par Vainsteins, Baldato, Jo Planckaert, Kirsipuu, Bortolami et Van Petegem. Et puis, soudain, surgit Emmanuel Magnien, redevenu irrésistible pour décrocher la trentième de ses trente et une victoires professionnelles. Longtemps, il y songerait, avant de conclure sa carrière dans les labours, à la fin de l’hiver 2003. « J’ai toujours pris moins de plaisir sur la route », devait-il alors confier[2].
On peut lire cet aveu comme une explication.
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 
 
Emmanuel Magnien en bref 
  • Né le 7 mai 1971 à Sedan.
  • Professionnel chez Castorama (1993 à 1995), Festina (1996 et 1997), La Française des Jeux (1998 à 2001), Bonjour (2002), Brioches La Boulangère (2003).
  • Principales victoires : Championnat de France de cyclo-cross 2006. Tour de l’Ain 1993 ; prologue du Tour de l’Avenir 1993 ; Tour d’Armorique 1994 ; 2e et 4e étapes du Dauphiné-Libéré 1994 ; 1re et 3e étape du Tour de l’Oise 1994 ; prologue, 2e, 9e, 11e étape et classement final du Tour de l’Avenir 1995 ; Tour Méditerranéen 1997 ; Coupe Sabatini 1998 ; Polymultipliée 1998 ; Paris-Bruxelles 2001.



[1] Témoignage à l’auteur. 
[2]Le Parisien du 11 novembre 2003.