- Témoignage de commissaires UCI0:58
- Maïténa Cessac et Didier Loiseau (Miller)0:58
- Témoignages Formation Néo Pro 20231:08
- Témoignages Formation Néo Pro 20230:59
- Ronan Augé1:50
- Pierre Gautherat et Jordan Labrosse0:47
- Thomas Bonnet0:30
- Victor Lafay1:37
- Mathieu Ladagnous0:56
- Édouard Bonnefoix et Jean Goubert0:54
- Maël Guégan1:50
- Jimmy Turgis0:28
- Alexis Guérin1:26
Alain Van Lancker, grognard des nuits blanches...
Il a été, associé à Jacky Mourioux, le seul six-dayman de l'époque Eddy Merckx. Des nuits entières, il batailla au son du clairon, chassant contre Post, Sercu et Pijnen. Autrement dit, un jeune prince, en maillot de soie. Portrait d'Alain Van Lancker...
Il vivait la nuit, comme les marins ou les marlous de Pigalle. C'était un beau champion au visage long, aux cheveux bruns légèrement ondulés, aux épaules puissantes. Durant sa jeunesse, il avait montré de réelles dispositions pour l'école, ce qui lui avait valu, en 1966, de décrocher un titre national universitaire. Soit dit en passant, avec Anquetil, Van Looy, Gimondi, Poulidor et le premier Eddy Merckx, 1966 marquait l'apogée du cyclisme sur route. Pourquoi, diable ! Alain Van Lancker, dix-neuf ans à l'époque (il était né le 15 mai 1947), ne songeait-il qu'à la piste ? Car les faits sont là : ce garçon naturellement rapide avait le sprint, la poursuite et l'omnium pour seule ambition. Et quand un Guimard, son alter ego en junior, se dépêchait d'allonger les sorties pour régner dans les courses par étapes, lui maintenait ostensiblement le cap, tournant, tournant et tournant encore sur des anneaux en ciment ou des pistes de bois blond. C'est ainsi qu'en 1968, des journalistes découvrirent, en pointant les classements, qu'un coureur parisien dominait les Six-Jours amateurs de Zurich, d'ailleurs en compagnie d'un autre Parisien, Jacky Mourioux, de dix mois son cadet. Bref ! deux jeunes gens, deux pistards authentiques, déjà primés ensemble l'année précédente à Berlin, et qui semblaient donc vouloir donner à la France ce qu'elle avait perdu depuis la paire Senffltleben-Forlini : une véritable équipe de six-jours... On imagine l'étonnement : deux spécialistes ?! En France ?! Parce qu'il faut le rappeler : malgré l'éclat de ses maillots jaunes, le pays d'Anquetil et de Pingeon n'avait plus de vélodrome et plus de six-jours depuis la disparition du Vel' d'Hiv', en novembre 1958 ! Dans ces conditions, l'avènement de Van Lancker et Mourioux tenait du miracle. Deux athlètes du même âge, nés souples et véloces, mi-jumeaux, mi-voisins ! Deux athlètes issus de la route, mais irrésistiblement attirés par les néons, la musique, la fumée et l'odeur des six-jours - Van Lancker surtout, qui voyait dans ces temples interlopes des sortes de théâtres populaires, où chacun pouvait défendre sa chance, pourvu qu'il sût parler haut. Or, ce titi parisien parlait vite, bien, et fort s'il fallait. Il était né pour cette vie.
Cette vie ? Celle d'un six-dayman, comprenez un cycliste en maillot de soie, qui œuvrait trois mois dans l'année, de 18 heures à 3 heures du matin. À ses côtés, le relayant tour après tour, un partenaire, traditionnellement Jacky Mourioux - mais au long de sa carrière professionnelle, de 1969 à 1976, Alain Van Lancker serait aussi associé à Patrick Sercu, Rik Van Linden, Klaus Bugdhal, Peter Post, René Pijnen, Jurgen Tschan, Graeme Gilmore, Fritz Pfenninger, Carlo Rancati ou Gianni Motta. Dans tous les cas, à Londres comme à Berlin, à Anvers, Rotterdam, Madrid, Milan, Cologne, Gand, Munich, Brême ou Munster, il trouvait toujours, pour l'encourager, des spectateurs exigeants et fidèles, qui se racontaient, entre deux chasses, comment le duo Bruneel-Van Steenbergen avait mystifié Schulte-Peters et Coppi-Terruzzi un soir de 1952... Cependant, en digne successeur, Alain Van Lancker relançait l'allure, porté par mille hourras. Pour l'avoir admiré à plusieurs reprises, Roger Bastide écrirait : ' Élégant et charmeur, Alain avait le contact avec le public et il savait répondre à ses appels, ce qui est la caractéristique du six-dayman de race : marcher au son des applaudissements comme les grognards de Napoléon marchaient au son du canon. '1
Comment dire ? Aux yeux de ce public-là, orphelin non pas de Bobet ou d'Anquetil mais de Guy Lapébie, Alain Van Lancker incarnait à lui seul le cyclisme français. C'était une manière de prince que l'absence de vélodrome condamnait à l'exil, ce qui ajoutait beaucoup à sa gloire... Puis, incroyable événement ! le Palais des sports construit pour les Jeux olympiques de Grenoble se mua en vélodrome permanent ; une première édition des Six-Jours fut annoncée pour janvier 1971, une deuxième pour le mois de novembre. En d'autres termes, Van Lancker, régulièrement placé sur le podium de tous les six-jours étrangers, allait enfin pouvoir briller sur ses terres. Bien entendu, devant l'enjeu, le beau champion aux épaules puissantes imposa et son art, et ses vues. Jacky Mourioux s'étant blessé en cours de semaine, il réclama de repartir aux côtés de Peter Post, une légende vivante, alors lauréat de soixante-deux six-jours. Et il gagna, il ouvrit le palmarès, ' chassant ' certaines nuits à plus de 58 kilomètres-heure de moyenne !
En novembre, l'illustre Peter Post revint, désormais relayé par Cyrille Guimard, la valeur montante du peloton français. D'aucuns supposèrent que Van Lancker et Mourioux devraient baisser pavillon... C'étaient méconnaître les intéressés, qui clamèrent fièrement : ' Grenoble, c'est nous ! ' Suivirent des joutes exceptionnelles, que conclut un nouveau triomphe de Van Lancker. Puis il y eut le triplé, en 1973, et son quatrième succès grenoblois - inoubliable - en novembre 1974. À 90 minutes de l'arrivée, six équipes encore se toisaient, dont celle formée par les redoutables Sercu et Pijnen. Mais Van Lancker et Mourioux réussirent à arracher un tour d'avance, qu'ils perdirent et reprirent par deux fois, dans une ambiance indescriptible. Lorsque la cloche retentit, Patrick Sercu, le dieu des pistes (il terminerait sa carrière avec 88 victoires sur 224 six-jours disputés), lança un ultime assaut. Mais Alain Van Lancker, intraitable, s'extirpa de la meute et lui souffla le sprint final. On vous laisse entendre la liesse... La veille, à 2 heures et demie du matin, après une bataille déjà héroïque, il avait lâché, au micro de Richard Diot : ' J'adore ça ! Surtout à Grenoble ! Parce que les gens sont entièrement pour moi. D'ailleurs, vous avez dû le remarquer : quand je démarre, c'est fantastique... '2
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Van Lancker en bref
* Né le 15 mai 1947 à Paris.
* Professionnel chez Frimatic (1969), Fagor-Mercier (1970 à 1972), Flandria (1973 et à 1974), UNCP-Routens (1975), individuel (1976).
* Principales victoires : Six-Jours de Grenoble en 1971 (A) (avec Post), 1971 (B) (avec Mourioux), 1972 (avec Guimard) et 1974 (avec Mourioux) ; Six -Jours de Montréal 1969 (avec Mourioux) ; Six-Jours de Munster 1970 (avec Bugdahl) ; Six-Jours de Dortmund 1972 (avec Sercu) ; Six-Jours de Cologne 1973 (avec Sercu).
1 Roger Bastide, Les Six-Jours en France, Sprint International, 1984.
2 Archives INA du 3 novembre 1974.
Alain Van Lancker, grognard des nuits blanches...
Il a été, associé à Jacky Mourioux, le seul six-dayman de l'époque Eddy Merckx. Des nuits entières, il batailla au son du clairon, chassant contre Post, Sercu et Pijnen. Autrement dit, un jeune prince, en maillot de soie. Portrait d'Alain Van Lancker...
Il vivait la nuit, comme les marins ou les marlous de Pigalle. C'était un beau champion au visage long, aux cheveux bruns légèrement ondulés, aux épaules puissantes. Durant sa jeunesse, il avait montré de réelles dispositions pour l'école, ce qui lui avait valu, en 1966, de décrocher un titre national universitaire. Soit dit en passant, avec Anquetil, Van Looy, Gimondi, Poulidor et le premier Eddy Merckx, 1966 marquait l'apogée du cyclisme sur route. Pourquoi, diable ! Alain Van Lancker, dix-neuf ans à l'époque (il était né le 15 mai 1947), ne songeait-il qu'à la piste ? Car les faits sont là : ce garçon naturellement rapide avait le sprint, la poursuite et l'omnium pour seule ambition. Et quand un Guimard, son alter ego en junior, se dépêchait d'allonger les sorties pour régner dans les courses par étapes, lui maintenait ostensiblement le cap, tournant, tournant et tournant encore sur des anneaux en ciment ou des pistes de bois blond. C'est ainsi qu'en 1968, des journalistes découvrirent, en pointant les classements, qu'un coureur parisien dominait les Six-Jours amateurs de Zurich, d'ailleurs en compagnie d'un autre Parisien, Jacky Mourioux, de dix mois son cadet. Bref ! deux jeunes gens, deux pistards authentiques, déjà primés ensemble l'année précédente à Berlin, et qui semblaient donc vouloir donner à la France ce qu'elle avait perdu depuis la paire Senffltleben-Forlini : une véritable équipe de six-jours... On imagine l'étonnement : deux spécialistes ?! En France ?! Parce qu'il faut le rappeler : malgré l'éclat de ses maillots jaunes, le pays d'Anquetil et de Pingeon n'avait plus de vélodrome et plus de six-jours depuis la disparition du Vel' d'Hiv', en novembre 1958 ! Dans ces conditions, l'avènement de Van Lancker et Mourioux tenait du miracle. Deux athlètes du même âge, nés souples et véloces, mi-jumeaux, mi-voisins ! Deux athlètes issus de la route, mais irrésistiblement attirés par les néons, la musique, la fumée et l'odeur des six-jours - Van Lancker surtout, qui voyait dans ces temples interlopes des sortes de théâtres populaires, où chacun pouvait défendre sa chance, pourvu qu'il sût parler haut. Or, ce titi parisien parlait vite, bien, et fort s'il fallait. Il était né pour cette vie.
Cette vie ? Celle d'un six-dayman, comprenez un cycliste en maillot de soie, qui œuvrait trois mois dans l'année, de 18 heures à 3 heures du matin. À ses côtés, le relayant tour après tour, un partenaire, traditionnellement Jacky Mourioux - mais au long de sa carrière professionnelle, de 1969 à 1976, Alain Van Lancker serait aussi associé à Patrick Sercu, Rik Van Linden, Klaus Bugdhal, Peter Post, René Pijnen, Jurgen Tschan, Graeme Gilmore, Fritz Pfenninger, Carlo Rancati ou Gianni Motta. Dans tous les cas, à Londres comme à Berlin, à Anvers, Rotterdam, Madrid, Milan, Cologne, Gand, Munich, Brême ou Munster, il trouvait toujours, pour l'encourager, des spectateurs exigeants et fidèles, qui se racontaient, entre deux chasses, comment le duo Bruneel-Van Steenbergen avait mystifié Schulte-Peters et Coppi-Terruzzi un soir de 1952... Cependant, en digne successeur, Alain Van Lancker relançait l'allure, porté par mille hourras. Pour l'avoir admiré à plusieurs reprises, Roger Bastide écrirait : ' Élégant et charmeur, Alain avait le contact avec le public et il savait répondre à ses appels, ce qui est la caractéristique du six-dayman de race : marcher au son des applaudissements comme les grognards de Napoléon marchaient au son du canon. '1
Comment dire ? Aux yeux de ce public-là, orphelin non pas de Bobet ou d'Anquetil mais de Guy Lapébie, Alain Van Lancker incarnait à lui seul le cyclisme français. C'était une manière de prince que l'absence de vélodrome condamnait à l'exil, ce qui ajoutait beaucoup à sa gloire... Puis, incroyable événement ! le Palais des sports construit pour les Jeux olympiques de Grenoble se mua en vélodrome permanent ; une première édition des Six-Jours fut annoncée pour janvier 1971, une deuxième pour le mois de novembre. En d'autres termes, Van Lancker, régulièrement placé sur le podium de tous les six-jours étrangers, allait enfin pouvoir briller sur ses terres. Bien entendu, devant l'enjeu, le beau champion aux épaules puissantes imposa et son art, et ses vues. Jacky Mourioux s'étant blessé en cours de semaine, il réclama de repartir aux côtés de Peter Post, une légende vivante, alors lauréat de soixante-deux six-jours. Et il gagna, il ouvrit le palmarès, ' chassant ' certaines nuits à plus de 58 kilomètres-heure de moyenne !
En novembre, l'illustre Peter Post revint, désormais relayé par Cyrille Guimard, la valeur montante du peloton français. D'aucuns supposèrent que Van Lancker et Mourioux devraient baisser pavillon... C'étaient méconnaître les intéressés, qui clamèrent fièrement : ' Grenoble, c'est nous ! ' Suivirent des joutes exceptionnelles, que conclut un nouveau triomphe de Van Lancker. Puis il y eut le triplé, en 1973, et son quatrième succès grenoblois - inoubliable - en novembre 1974. À 90 minutes de l'arrivée, six équipes encore se toisaient, dont celle formée par les redoutables Sercu et Pijnen. Mais Van Lancker et Mourioux réussirent à arracher un tour d'avance, qu'ils perdirent et reprirent par deux fois, dans une ambiance indescriptible. Lorsque la cloche retentit, Patrick Sercu, le dieu des pistes (il terminerait sa carrière avec 88 victoires sur 224 six-jours disputés), lança un ultime assaut. Mais Alain Van Lancker, intraitable, s'extirpa de la meute et lui souffla le sprint final. On vous laisse entendre la liesse... La veille, à 2 heures et demie du matin, après une bataille déjà héroïque, il avait lâché, au micro de Richard Diot : ' J'adore ça ! Surtout à Grenoble ! Parce que les gens sont entièrement pour moi. D'ailleurs, vous avez dû le remarquer : quand je démarre, c'est fantastique... '2
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Van Lancker en bref
* Né le 15 mai 1947 à Paris.
* Professionnel chez Frimatic (1969), Fagor-Mercier (1970 à 1972), Flandria (1973 et à 1974), UNCP-Routens (1975), individuel (1976).
* Principales victoires : Six-Jours de Grenoble en 1971 (A) (avec Post), 1971 (B) (avec Mourioux), 1972 (avec Guimard) et 1974 (avec Mourioux) ; Six -Jours de Montréal 1969 (avec Mourioux) ; Six-Jours de Munster 1970 (avec Bugdahl) ; Six-Jours de Dortmund 1972 (avec Sercu) ; Six-Jours de Cologne 1973 (avec Sercu).
1 Roger Bastide, Les Six-Jours en France, Sprint International, 1984.
2 Archives INA du 3 novembre 1974.
2018-2023 : plus de 110 coureurs ont suivi les formations réservées aux néo-professionnels
4ème édition de la journée de réflexion pour les coureurs cyclistes en fin de carrière
Formation Néo Pro de l'UNCP 2023Maïténa Cessac et Didier Loiseau (Miller)
Formation Néo Pro de l'UNCP 2023Témoignages Formation Néo Pro 2023
Interview de Christophe AgnoluttoVoir toutes les vidéos >>