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Charles Terront, l'homme coureur
Il fut le premier grand champion de l'histoire du cyclisme. À l'aube de notre sport, il battit les Français, les Américains et les Anglais sur grand bi, puis il eut le génie de gagner Paris-Brest-Paris à bicyclette, en 1891. Portrait du mythique Charles Terront...
Au temps de son règne, il était l'homme le plus admiré de la France. C'est au point qu'en mars 1893, dix-huit mois après son triomphe dans Paris-Brest-Paris, on pouvait encore lui écrire, avenue de la Grande-Armée, sous ce court libellé : ' À l'homme coureur ' !1 Car pour tout ce qui parlait et racontait sur cette terre, l'homme-coureur s'incarnait en Charles Terront, un Français, né le 25 avril 1857 à Saint-Ouen. D'aucuns auraient volontiers poursuivi : né précisément au numéro 3 de l'avenue de Saint-Ouen, d'un père ouvrier mécanicien à la Compagnie de l'Ouest et d'une mère qui mettrait au monde trois filles et trois garçons. On passe sur les détails, sur les sobriquets, l'école primaire, les deux communions : l'important est de dire ici que Charles Terront fut la première ' star ' de l'histoire du cyclisme. Il fut le premier dont la vie donna matière et à une autobiographie, et à un traité d'entraînement. Seul défaut, Les Mémoires de Terront, plusieurs fois rééditées, ont été ' revus et mis en ordre '2 par Louis Baudry de Saunier, un jean-foutre habile à enjoliver les choses. Or il n'y avait rien à enjoliver avec ce champion. La vérité, simple et entière, était qu'il tenait du prodige !
Une question se pose, inévitablement : quelle eût été sa place s'il avait vu le jour quinze années plus tard, pour se mesurer aux Lesna et Garin, dans le cadre d'un Bordeaux-Paris ou d'un Tour de France ? Faute de réponse irrévocable, chacun ira de son propre jugement ; mais on peut néanmoins certifier que le Parisien creusait entre lui et ses adversaires des écarts dignes du nec plus ultra, Zimmerman, Binda, Coppi, le Koblet de 1951, Anquetil, Eddy Merckx... Vraiment, c'était un athlète hors du commun, un phénomène particulièrement véloce et d'une résistance proverbiale. Les annales témoignent qu'il se révéla très tôt, raflant, dès 1876 (il a dix-neuf ans), la course Paris-Pontoise et sept autres compétitions nationales. En fin de saison, il s'enhardit même jusqu'en Angleterre, représentant une sorte d'équipe de France sur l'anneau de Wolverhampton. Résultat ? Des sprints étourdissants et 250 francs de primes qui lui permirent de comprendre qu'il pourrait faire fortune dans le sport.
Parce qu'autour de lui, le cyclisme s'organisait et se développait, enregistrant de nouveaux clubs, de nouvelles pistes, de nouvelles machines. Pour sa part, Charles Terront, coursier de petite taille, utilisait traditionnellement des bicycles d'1 mètre 30 - le fameux grand bi -, alors que ses rivaux se hissaient sur des engins d'1 mètre quarante, quand ce n'était pas d'1 mètre 50 ! On imagine son handicap à chaque tour de roues, et de quelle manière il devait réagir, moulinant plus vite que quiconque... Quoi qu'il en fût, c'est avec un grand bi qu'il remporta, en 1879, les Six-Jours de Boston et de Chicago, puis, en 1880, les Six-Jours de Londres, d'Edimbourg et de Hull qui se disputaient selon la formule individuelle. Lorsqu'il partit accomplir son service militaire, Terront, vingt-trois ans, était déjà regardé comme le meilleur cycliste du monde.
Il géra son pécule et sa gloire, continuant de cumuler les victoires en dépit d'adversaires régulièrement ligués contre lui - et quels adversaires : De Civry, Charron, Dubois, Duncan, Médinger ! Mais sa supériorité demeurait telle qu'en 1884, il s'adjugea 55 des 64 épreuves qu'il courut ! Moyennant quoi, l'année suivante, il décida de prendre du recul et d'ouvrir un commerce de cycles à Bayonne.
Qu'avait-il d'autre à faire ? En vitesse ou en fond, il n'existait personne qu'il n'eût dominé.
Personne ? Dans un sport qui abandonnait progressivement le grand bi pour la bicyclette, certains spécialistes s'interrogeaient... Et si Terront, coureur à l'ancienne, sombrait devant le modernisme ?... L'intéressé répondit à sa façon, gagnant en 1888 le championnat de France des 100 kilomètres sur grand bi, puis gagnant le même championnat en 1889, cette fois sur bicyclette ! Preuve donc était faite qu'il restait, malgré douze ans de carrière, le maître incontesté - un maître d'autant plus redoutable que la transmission par chaîne supprimait le désavantage lié à sa petite taille... D'où sa motivation et son impatience quand il apprit, par voix de presse, l'organisation de Paris-Brest-Paris, soit 1.200 kilomètres à couvrir d'une traite. ' Ma course ! ', promit-il...3 De fait, en septembre 1891, l'homme-coureur écrasa cette épopée mythique, définitivement saluée comme l'acte fondateur du cyclisme sur route. En tête depuis le retour à Guingamp, il traversa sans s'arrêter la Bretagne, la Mayenne, le Perche, Verneuil, Dreux, Versailles puis Ville d'Avray au milieu de foules ébahies qui découvraient-là le génie de l'incroyable bicyclette, plus économe et plus rapide qu'un cheval... Instruit de sa mort - oh ! bien des années après, le 31 octobre 1932 -, Henri Desgrange pousserait ce cri qui résumait tout : ' vous ne pouvez pas le savoir comme moi, Charles Terront, c'était l'homme de Paris-Brest et retour en moins de soixante-douze heures ; c'était l'homme qui, bon premier, nous disait que les forces humaines étaient sans limites ; c'était le premier doctrinaire actif et autorisé de la Volonté ; c'était le ' Père Gigogne ' qui allait enfanter tous nos exploits, tous nos miracles, et qui allait engendrer la merveilleuse pléiade de nos champions (...) '4
On ose à peine ajouter que Charles Terront, surnommé ' Charley ' par la planète sportive, survola encore, à l'automne 1893, les trois mille kilomètres du raid Saint-Petersbourg-Paris en 14 jours et 7 heures. Auparavant (février 1893), il avait battu Jean-Marie Corre sur la piste de la Galerie des Machines, dans un match-défi de 1000 kilomètres. On l'a juré, on le confirme : c'était l'homme-coureur.
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Terront en bref
* Né le 25 avril 1857 à Saint-Ouen. Décédé le 31 octobre 1932 à Sainte-Marguerite-les-Marseille.
* Coureur de 1876 à 1894, sur grand bi puis bicyclette, route et piste.
* Principales victoires : Six-Jours individuels de Boston et de Chicago en 1879 ; Six-Jours de Londres, d'Edimbourg et de Hull en 1880 ; championnat de Grande-Bretagne des 100 miles en 1887 ; championnat de France des 100 km en 1888 et 1889 ; Paris-Brest-Paris 1891.
1 Document produit par Jean Durry, La Véridique histoire des géants de la route, Édita, 1973, p. 40.
2 Selon l'édition originale.
3 Les Mémoires de Charles Terront, Prosport, 1980, p. 133.
4 L'Auto, 2 novembre 1932.
Charles Terront, l'homme coureur
Il fut le premier grand champion de l'histoire du cyclisme. À l'aube de notre sport, il battit les Français, les Américains et les Anglais sur grand bi, puis il eut le génie de gagner Paris-Brest-Paris à bicyclette, en 1891. Portrait du mythique Charles Terront...
Au temps de son règne, il était l'homme le plus admiré de la France. C'est au point qu'en mars 1893, dix-huit mois après son triomphe dans Paris-Brest-Paris, on pouvait encore lui écrire, avenue de la Grande-Armée, sous ce court libellé : ' À l'homme coureur ' !1 Car pour tout ce qui parlait et racontait sur cette terre, l'homme-coureur s'incarnait en Charles Terront, un Français, né le 25 avril 1857 à Saint-Ouen. D'aucuns auraient volontiers poursuivi : né précisément au numéro 3 de l'avenue de Saint-Ouen, d'un père ouvrier mécanicien à la Compagnie de l'Ouest et d'une mère qui mettrait au monde trois filles et trois garçons. On passe sur les détails, sur les sobriquets, l'école primaire, les deux communions : l'important est de dire ici que Charles Terront fut la première ' star ' de l'histoire du cyclisme. Il fut le premier dont la vie donna matière et à une autobiographie, et à un traité d'entraînement. Seul défaut, Les Mémoires de Terront, plusieurs fois rééditées, ont été ' revus et mis en ordre '2 par Louis Baudry de Saunier, un jean-foutre habile à enjoliver les choses. Or il n'y avait rien à enjoliver avec ce champion. La vérité, simple et entière, était qu'il tenait du prodige !
Une question se pose, inévitablement : quelle eût été sa place s'il avait vu le jour quinze années plus tard, pour se mesurer aux Lesna et Garin, dans le cadre d'un Bordeaux-Paris ou d'un Tour de France ? Faute de réponse irrévocable, chacun ira de son propre jugement ; mais on peut néanmoins certifier que le Parisien creusait entre lui et ses adversaires des écarts dignes du nec plus ultra, Zimmerman, Binda, Coppi, le Koblet de 1951, Anquetil, Eddy Merckx... Vraiment, c'était un athlète hors du commun, un phénomène particulièrement véloce et d'une résistance proverbiale. Les annales témoignent qu'il se révéla très tôt, raflant, dès 1876 (il a dix-neuf ans), la course Paris-Pontoise et sept autres compétitions nationales. En fin de saison, il s'enhardit même jusqu'en Angleterre, représentant une sorte d'équipe de France sur l'anneau de Wolverhampton. Résultat ? Des sprints étourdissants et 250 francs de primes qui lui permirent de comprendre qu'il pourrait faire fortune dans le sport.
Parce qu'autour de lui, le cyclisme s'organisait et se développait, enregistrant de nouveaux clubs, de nouvelles pistes, de nouvelles machines. Pour sa part, Charles Terront, coursier de petite taille, utilisait traditionnellement des bicycles d'1 mètre 30 - le fameux grand bi -, alors que ses rivaux se hissaient sur des engins d'1 mètre quarante, quand ce n'était pas d'1 mètre 50 ! On imagine son handicap à chaque tour de roues, et de quelle manière il devait réagir, moulinant plus vite que quiconque... Quoi qu'il en fût, c'est avec un grand bi qu'il remporta, en 1879, les Six-Jours de Boston et de Chicago, puis, en 1880, les Six-Jours de Londres, d'Edimbourg et de Hull qui se disputaient selon la formule individuelle. Lorsqu'il partit accomplir son service militaire, Terront, vingt-trois ans, était déjà regardé comme le meilleur cycliste du monde.
Il géra son pécule et sa gloire, continuant de cumuler les victoires en dépit d'adversaires régulièrement ligués contre lui - et quels adversaires : De Civry, Charron, Dubois, Duncan, Médinger ! Mais sa supériorité demeurait telle qu'en 1884, il s'adjugea 55 des 64 épreuves qu'il courut ! Moyennant quoi, l'année suivante, il décida de prendre du recul et d'ouvrir un commerce de cycles à Bayonne.
Qu'avait-il d'autre à faire ? En vitesse ou en fond, il n'existait personne qu'il n'eût dominé.
Personne ? Dans un sport qui abandonnait progressivement le grand bi pour la bicyclette, certains spécialistes s'interrogeaient... Et si Terront, coureur à l'ancienne, sombrait devant le modernisme ?... L'intéressé répondit à sa façon, gagnant en 1888 le championnat de France des 100 kilomètres sur grand bi, puis gagnant le même championnat en 1889, cette fois sur bicyclette ! Preuve donc était faite qu'il restait, malgré douze ans de carrière, le maître incontesté - un maître d'autant plus redoutable que la transmission par chaîne supprimait le désavantage lié à sa petite taille... D'où sa motivation et son impatience quand il apprit, par voix de presse, l'organisation de Paris-Brest-Paris, soit 1.200 kilomètres à couvrir d'une traite. ' Ma course ! ', promit-il...3 De fait, en septembre 1891, l'homme-coureur écrasa cette épopée mythique, définitivement saluée comme l'acte fondateur du cyclisme sur route. En tête depuis le retour à Guingamp, il traversa sans s'arrêter la Bretagne, la Mayenne, le Perche, Verneuil, Dreux, Versailles puis Ville d'Avray au milieu de foules ébahies qui découvraient-là le génie de l'incroyable bicyclette, plus économe et plus rapide qu'un cheval... Instruit de sa mort - oh ! bien des années après, le 31 octobre 1932 -, Henri Desgrange pousserait ce cri qui résumait tout : ' vous ne pouvez pas le savoir comme moi, Charles Terront, c'était l'homme de Paris-Brest et retour en moins de soixante-douze heures ; c'était l'homme qui, bon premier, nous disait que les forces humaines étaient sans limites ; c'était le premier doctrinaire actif et autorisé de la Volonté ; c'était le ' Père Gigogne ' qui allait enfanter tous nos exploits, tous nos miracles, et qui allait engendrer la merveilleuse pléiade de nos champions (...) '4
On ose à peine ajouter que Charles Terront, surnommé ' Charley ' par la planète sportive, survola encore, à l'automne 1893, les trois mille kilomètres du raid Saint-Petersbourg-Paris en 14 jours et 7 heures. Auparavant (février 1893), il avait battu Jean-Marie Corre sur la piste de la Galerie des Machines, dans un match-défi de 1000 kilomètres. On l'a juré, on le confirme : c'était l'homme-coureur.
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Terront en bref
* Né le 25 avril 1857 à Saint-Ouen. Décédé le 31 octobre 1932 à Sainte-Marguerite-les-Marseille.
* Coureur de 1876 à 1894, sur grand bi puis bicyclette, route et piste.
* Principales victoires : Six-Jours individuels de Boston et de Chicago en 1879 ; Six-Jours de Londres, d'Edimbourg et de Hull en 1880 ; championnat de Grande-Bretagne des 100 miles en 1887 ; championnat de France des 100 km en 1888 et 1889 ; Paris-Brest-Paris 1891.
1 Document produit par Jean Durry, La Véridique histoire des géants de la route, Édita, 1973, p. 40.
2 Selon l'édition originale.
3 Les Mémoires de Charles Terront, Prosport, 1980, p. 133.
4 L'Auto, 2 novembre 1932.
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