- Témoignage de commissaires UCI0:58
- Maïténa Cessac et Didier Loiseau (Miller)0:58
- Témoignages Formation Néo Pro 20231:08
- Témoignages Formation Néo Pro 20230:59
- Ronan Augé1:50
- Pierre Gautherat et Jordan Labrosse0:47
- Thomas Bonnet0:30
- Victor Lafay1:37
- Mathieu Ladagnous0:56
- Édouard Bonnefoix et Jean Goubert0:54
- Maël Guégan1:50
- Jimmy Turgis0:28
- Alexis Guérin1:26
Jean-François Pescheux, insolite et heureux...
Avant de devenir le directeur des compétitions dans l’organisation du Tour de France, il fut champion national universitaire. Il eut une vie de coureur essayeur et une vie de sprinteur. Portrait de Jean-François Pescheux, visage heureux du cyclisme…
Peut-être Jean-François Pescheux sera-t-il surpris qu’on l’imagine moins en cuissard qu’en col de chemise, un feutre élégamment posé sur le chef et la mine réjouie, semblable à l’homme qui, ne doutant de rien, télégraphia jadis cette phrase célèbre : « Passé Tourmalet. Stop. Très bonne route. Stop. Parfaitement praticable. Stop »[1]. D’aucuns auront reconnu Alphonse Steinès, personnage inestimable de la longue histoire du Tour de France, comme le furent également Géo Lefèvre, Victor Breyer, Lucien Cazalis, puis, sur l’autre versant du siècle, les Jean Garnault, Elie Wermelinger, Pierre Verdier et, à partir de 1967, le formidable Albert Bouvet, futur directeur des compétitions. Parce que Jean-François Pescheux lui a succédé, devenant lui-même directeur des compétitions en 2002, l’idée pourrait être de le peindre exclusivement en homme de terrain, ici penché sur une carte Michelin, rêvant de parcours inédits, ou bien donnant de la voix pour organiser, en tête de course, le balai des suiveurs. En somme, peindre Steinès et Breyer à la fois, dans l’ombre tutélaire de Jean-Marie Leblanc et Christian Prudhomme. Seulement, il se trouve qu’à l’inverse du cher Steinès, Jean-François Pescheux eut d’abord une existence de coureur. Chez les amateurs, montrant des dispositions pour la route et la piste, il décrocha quelque cent sept victoires, dont un titre de champion de France universitaire en 1972 et Paris-Varennes en 1975… Soit dit pour mémoire, c’est en 1975, dans l’antre du fameux Rapport Tour, qu’il découvrit l’Afrique du sud. Y roulaient sous un faux nom, pour cause d’apartheid, deux jeunes Irlandais, Sean Kelly et Pat McQuaid, venus chasser des primes comme on chassait les grands fauves. Jean-François Pescheux se le rappelle en souriant — et il se rappelle qu’il s’interrogeait, à l’époque, sur son propre avenir… Devait-il passer professionnel, ainsi que le lui proposait Christian Lapébie ? Fallait-il plutôt exploiter son brevet technique supérieur en comptabilité ? Une voix lui parlait d’aventure, une autre promettait la sécurité de l’emploi… Après un ultime regard sur ses cuisses, ce sprinter de soixante-quatorze kilos se jeta dans l’aventure…
Quel risque prenait-il ? Celui que prennent, en cyclisme, tous ceux qui ont le bonheur d’aller vite : en gagner une, bras tendus vers le ciel. D’ailleurs, en février 1976, étrennant son maillot Jobo-Wolber au Trophée méditerranéen, il vit que c’était déjà fait, quand le vieux Régis Délepine surgit pour lui souffler la victoire ! Deuxième, donc… Puis troisième d’une étape du Circuit de la Sarthe et troisième, encore, du championnat de France de vitesse. C’était assez pour que les responsables du groupe Wolber décidassent, en 1977, de l’appointer comme coureur essayeur de leurs produits. Contrat insolite, un brin suranné, qui l’obligeait à tester pneus, boyaux et patins de freins en course et à l’entraînement. Avec un bel à-propos, il en profita pour ouvrir son palmarès, s’adjugeant le Prix de Fougères et finissant brillamment quatrième du réputé Bordeaux-Paris, après Van Springel, Godefroot et Chalmel. En septembre, Jean-François Pescheux se fit remarquer de nouveau, quatorzième dans Tours-Versailles, ce qui lui permit d’accéder au sixième rang du classement de la Promotion Pernod. Il pouvait songer au prochain Tour de France…
Chacun s’en souvient : ce Tour, celui de 1978, remporté par Bernard Hinault, démarrait de Leiden, avec cent dix concurrents. Ne boudant point son plaisir, le natif de Nemours réussit une impressionnante série de places d’honneur, terminant sixième à Sant-Willebrord derrière Raas, Maertens, Esclassan, Walter Planckaert et Karstens, troisième à Bruxelles, sixième à Saint-Amand-les-Eaux, douzième à Saint-Germain-en-Laye, cinquième à Mazé-Montgeoffroy, cinquième à Bordeaux. Sans doute aurait-il continué sur ce train, mais une chute, en direction de Saint-Étienne, le contraignit à l’abandon. Bilan ? Une fracture de la clavicule, une photo spectaculaire dans L’Année du cyclisme et l’évidence que l’épreuve perdait un athlète solide, volontaire, courageux. Et, ce qui ne gâtait rien, un garçon aimable, dévoué, dont la formation intellectuelle était particulièrement appréciée sur les bancs de l’Union nationale des cyclistes professionnels. La suite coula de source : une prompte convalescence et des émoluments revus à la hausse pour défendre les ambitions de l’équipe La Redoute-Motobécane…
Commença une carrière différente, au service de Bernard Vallet, Mariano Martinez, Robert Alban, Jean-Luc Vandenbroucke et Ferdi Van den Haute, ses leaders successifs. Ce qui ne l’empêchait pas, à l’occasion, de saisir sa chance ! Ainsi Jean-François Pescheux s’offrit-il, aux dépens de Jacques Esclassan, un superbe Nice-Alassio en 1979, une étape des Quatre Jours de Dunkerque en 1980, les Prix de Garancières et de Sainte-Marie-sur-Mer l’année suivante. On crut même qu’il pourrait incarner, sinon le vainqueur de Bordeaux-Paris 1980 (pendant la prise des entraîneurs, une chute malencontreuse l’écarta des débats alors que Van Springel le tenait pour son principal adversaire), on crut qu’il pourrait incarner un représentatif champion de France en 1981. Mais, dans le final, il se sacrifia en vain pour Bernard Vallet, se contentant d’une ingrate quatrième place. Beaucoup ne s’en seraient pas remis ; lui, au soir de son troisième Tour de France, tourna joyeusement la page. Depuis plusieurs jours, en effet, il avait résilié son contrat cycliste pour rejoindre Jacques Goddet, Félix Lévitan et Albert Bouvet dans la grande aventure de l’organisation sportive. « Si vous saviez comme je suis heureux ! », s’empressa-t-il d’expliquer[2]. Le remarquable est qu’il le répète encore, et qu’il le répètera jusqu’au bout ! Il reste un homme heureux.
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Jean-François Pescheux en bref
- Né le 21 mars 1952 à Nemours.
- Professionnel chez Jobo-Wolber (1976), Wolber (1977), Jobo-Spidel (1978), La Redoute-Motobécane (1979 à 1981).
- Principales victoires : Prix de Fougères 1977 ; Nice-Alassio 1979 ; 2e étape Cir. de la Sarthe 1979 ; 4e étape A des Quatre Jours de Dunkerque 1980 ; Prix de Garancières 1981 ; Prix de Sainte-Marie-sur-Mer 1981.
[1] Pierre Chany, La Fabuleuse histoire du Tour de France, O.D.I.L., 1983, p. 112.
[2] Témoignage à l’auteur.
Jean-François Pescheux, insolite et heureux...
Avant de devenir le directeur des compétitions dans l’organisation du Tour de France, il fut champion national universitaire. Il eut une vie de coureur essayeur et une vie de sprinteur. Portrait de Jean-François Pescheux, visage heureux du cyclisme…
Peut-être Jean-François Pescheux sera-t-il surpris qu’on l’imagine moins en cuissard qu’en col de chemise, un feutre élégamment posé sur le chef et la mine réjouie, semblable à l’homme qui, ne doutant de rien, télégraphia jadis cette phrase célèbre : « Passé Tourmalet. Stop. Très bonne route. Stop. Parfaitement praticable. Stop »[1]. D’aucuns auront reconnu Alphonse Steinès, personnage inestimable de la longue histoire du Tour de France, comme le furent également Géo Lefèvre, Victor Breyer, Lucien Cazalis, puis, sur l’autre versant du siècle, les Jean Garnault, Elie Wermelinger, Pierre Verdier et, à partir de 1967, le formidable Albert Bouvet, futur directeur des compétitions. Parce que Jean-François Pescheux lui a succédé, devenant lui-même directeur des compétitions en 2002, l’idée pourrait être de le peindre exclusivement en homme de terrain, ici penché sur une carte Michelin, rêvant de parcours inédits, ou bien donnant de la voix pour organiser, en tête de course, le balai des suiveurs. En somme, peindre Steinès et Breyer à la fois, dans l’ombre tutélaire de Jean-Marie Leblanc et Christian Prudhomme. Seulement, il se trouve qu’à l’inverse du cher Steinès, Jean-François Pescheux eut d’abord une existence de coureur. Chez les amateurs, montrant des dispositions pour la route et la piste, il décrocha quelque cent sept victoires, dont un titre de champion de France universitaire en 1972 et Paris-Varennes en 1975… Soit dit pour mémoire, c’est en 1975, dans l’antre du fameux Rapport Tour, qu’il découvrit l’Afrique du sud. Y roulaient sous un faux nom, pour cause d’apartheid, deux jeunes Irlandais, Sean Kelly et Pat McQuaid, venus chasser des primes comme on chassait les grands fauves. Jean-François Pescheux se le rappelle en souriant — et il se rappelle qu’il s’interrogeait, à l’époque, sur son propre avenir… Devait-il passer professionnel, ainsi que le lui proposait Christian Lapébie ? Fallait-il plutôt exploiter son brevet technique supérieur en comptabilité ? Une voix lui parlait d’aventure, une autre promettait la sécurité de l’emploi… Après un ultime regard sur ses cuisses, ce sprinter de soixante-quatorze kilos se jeta dans l’aventure…
Quel risque prenait-il ? Celui que prennent, en cyclisme, tous ceux qui ont le bonheur d’aller vite : en gagner une, bras tendus vers le ciel. D’ailleurs, en février 1976, étrennant son maillot Jobo-Wolber au Trophée méditerranéen, il vit que c’était déjà fait, quand le vieux Régis Délepine surgit pour lui souffler la victoire ! Deuxième, donc… Puis troisième d’une étape du Circuit de la Sarthe et troisième, encore, du championnat de France de vitesse. C’était assez pour que les responsables du groupe Wolber décidassent, en 1977, de l’appointer comme coureur essayeur de leurs produits. Contrat insolite, un brin suranné, qui l’obligeait à tester pneus, boyaux et patins de freins en course et à l’entraînement. Avec un bel à-propos, il en profita pour ouvrir son palmarès, s’adjugeant le Prix de Fougères et finissant brillamment quatrième du réputé Bordeaux-Paris, après Van Springel, Godefroot et Chalmel. En septembre, Jean-François Pescheux se fit remarquer de nouveau, quatorzième dans Tours-Versailles, ce qui lui permit d’accéder au sixième rang du classement de la Promotion Pernod. Il pouvait songer au prochain Tour de France…
Chacun s’en souvient : ce Tour, celui de 1978, remporté par Bernard Hinault, démarrait de Leiden, avec cent dix concurrents. Ne boudant point son plaisir, le natif de Nemours réussit une impressionnante série de places d’honneur, terminant sixième à Sant-Willebrord derrière Raas, Maertens, Esclassan, Walter Planckaert et Karstens, troisième à Bruxelles, sixième à Saint-Amand-les-Eaux, douzième à Saint-Germain-en-Laye, cinquième à Mazé-Montgeoffroy, cinquième à Bordeaux. Sans doute aurait-il continué sur ce train, mais une chute, en direction de Saint-Étienne, le contraignit à l’abandon. Bilan ? Une fracture de la clavicule, une photo spectaculaire dans L’Année du cyclisme et l’évidence que l’épreuve perdait un athlète solide, volontaire, courageux. Et, ce qui ne gâtait rien, un garçon aimable, dévoué, dont la formation intellectuelle était particulièrement appréciée sur les bancs de l’Union nationale des cyclistes professionnels. La suite coula de source : une prompte convalescence et des émoluments revus à la hausse pour défendre les ambitions de l’équipe La Redoute-Motobécane…
Commença une carrière différente, au service de Bernard Vallet, Mariano Martinez, Robert Alban, Jean-Luc Vandenbroucke et Ferdi Van den Haute, ses leaders successifs. Ce qui ne l’empêchait pas, à l’occasion, de saisir sa chance ! Ainsi Jean-François Pescheux s’offrit-il, aux dépens de Jacques Esclassan, un superbe Nice-Alassio en 1979, une étape des Quatre Jours de Dunkerque en 1980, les Prix de Garancières et de Sainte-Marie-sur-Mer l’année suivante. On crut même qu’il pourrait incarner, sinon le vainqueur de Bordeaux-Paris 1980 (pendant la prise des entraîneurs, une chute malencontreuse l’écarta des débats alors que Van Springel le tenait pour son principal adversaire), on crut qu’il pourrait incarner un représentatif champion de France en 1981. Mais, dans le final, il se sacrifia en vain pour Bernard Vallet, se contentant d’une ingrate quatrième place. Beaucoup ne s’en seraient pas remis ; lui, au soir de son troisième Tour de France, tourna joyeusement la page. Depuis plusieurs jours, en effet, il avait résilié son contrat cycliste pour rejoindre Jacques Goddet, Félix Lévitan et Albert Bouvet dans la grande aventure de l’organisation sportive. « Si vous saviez comme je suis heureux ! », s’empressa-t-il d’expliquer[2]. Le remarquable est qu’il le répète encore, et qu’il le répètera jusqu’au bout ! Il reste un homme heureux.
© Christophe Penot
Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.
Jean-François Pescheux en bref
- Né le 21 mars 1952 à Nemours.
- Professionnel chez Jobo-Wolber (1976), Wolber (1977), Jobo-Spidel (1978), La Redoute-Motobécane (1979 à 1981).
- Principales victoires : Prix de Fougères 1977 ; Nice-Alassio 1979 ; 2e étape Cir. de la Sarthe 1979 ; 4e étape A des Quatre Jours de Dunkerque 1980 ; Prix de Garancières 1981 ; Prix de Sainte-Marie-sur-Mer 1981.
[1] Pierre Chany, La Fabuleuse histoire du Tour de France, O.D.I.L., 1983, p. 112.
[2] Témoignage à l’auteur.
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