UNCP UNCP
L'UNCP est le syndicat professionnel des coureurs cyclistes français.
Syndicat de service et de dialogue constructif.
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Jean-Pierre Danguillaume, le contemporain capital...


Après une victoire prestigieuse dans la Course de la Paix, il devint l'un des meilleurs équipiers du cyclisme. Sa spécialité ? Les étapes dans le Tour de France. Il en gagna sept, haut la main. Portrait de Jean-Pierre Danguillaume...


Pour présenter Jean-Pierre Danguillaume, Pierre Chany avait trouvé cette formule : ' le fils cycliste de Géminiani '1 ! Il voulait signifier : un athlète haut de gamme, solide, entreprenant, généreux, et un homme heureux de vivre, qui n'avait son pareil pour enchanter les soirées. Et Dieu sait si les soirées pesaient lourd dans sa vie... S'il n'en avait tenu qu'à lui, Danguillaume, comme Georges Speicher jadis, aurait milité pour le régime suivant : bal jusqu'à l'aube, petit-déjeuner, décrassage et... en route ! Seulement, parce qu'il était le rejeton d'une authentique famille de coursiers, il s'obligeait à ' faire le métier ', dissipant sa forte nature en d'interminables relais. De 1970 à 1978, il fut pour Peugeot ce que Joseph Bruyère serait chez Molteni.

On avait cru pourtant qu'il viserait plus haut et deviendrait un meneur, à l'égal de Bernard Thévenet, passé pro en même temps que lui sous le maillot à damier... C'était oublier que le Bourguignon, de vingt mois son cadet, possédait une marge de progression supérieure. Pour sa part, Jean-Pierre Danguillaume, né à Joué-les-Tours le 25 mai 1946, avait brûlé nombre de cartouches dans les rangs amateurs, y gagnant cent quatre-vingt épreuves environ, dont Paris-Vailly à dix-neuf ans et la prestigieuse Course de la Paix à vingt-trois ans. De là sa réputation de prodige, puis le qualificatif d'' espoir déçu ' qu'il traîna derrière lui. Or, répétons qu'il était victime d'un abus de langage. Jamais il n'avait eu l'intention de régner dans les Tours - sur ce point, il se différenciait de Géminiani... En revanche, pour allumer des mèches ou lancer le rapide Esclassan, on pouvait le sonner ! Quand il fallait des volontaires, le Tourangeau se levait de bonne heure...

Son premier exploit date de 1970. Il disputait alors le Tour de France, théoriquement pour aider Roger Pingeon, leader de ceux qu'on surnommait les ' lionceaux '. Mais l'abandon du Bugiste lui laissa les coudées franches ; et la veille de l'arrivée finale, le néophyte bondit aux portes de Versailles pour s'offrir une magnifique victoire d'étape. ' Beaucoup d'à-propos... ', commenta Pierre Chany2. Il ne croyait pas si bien dire... Quasiment chaque année, lorsque revenait le mois de juillet, Jean-Pierre Danguillaume surgissait de sa boîte, raflant une nouvelle étape en 1971, une en 1973, deux en 1974 et deux dernières en 1977. Pour un homme qui n'allait pas très vite au sprint, c'était des coups de maître !

Un maître ? Oui, mais à la condition d'admettre qu'il était surtout magicien... Car Jean-Pierre Danguillaume s'imposait aussi bien sur le plat qu'il s'imposait en montagne, à la barbe des grimpeurs ! Ainsi triompha-t-il à La Mongie, en 1974, après cent dix kilomètres d'échappée pyrénéenne, Merckx, Poulidor, Lopez-Carril et Van Impe à ses trousses. Le lendemain, que pensez-vous qu'il fît ? Il repartit à l'assaut, puis régla en force ses trois compagnons de baroud. À l'arrivée, Eddy Merckx soi-même souleva son chapeau.
On sait comment André Rouveyre parlait d'André Gide : un ' contemporain capital '. Eh bien ! pour résumer l'éblouissante période qui mène des cuissards de laine à Bernard Hinault, Jean-Pierre Danguillaume fait figure de ' contemporain capital '. Il a tout vu et tout entendu, à commencer par la haine séparant Luis Ocana d'Eddy Merckx. C'est ainsi qu'il a raconté à Claude Droussent l'histoire d'un critérium fameux, le Belge et l'Espagnol s'entre-déchirant seuls en tête, tandis que les autres concurrents avaient mis pied à terre, admiratifs et respectueux3... Et notre témoin d'ajouter, si besoin, que ces gars, des champions à coup sûr, n'étaient pas des enfants de chœur - enfin, que lui-même n'en était pas... Il avait cette qualité : appelant un chat un chat, et le dopage le dopage, il ne trichait pas quand on approchait avec lui les secrets du cyclisme4. Il faut avoir vu et avoir entendu mentir l'ensemble de ses pairs pour comprendre l'importance de cette dignité-là5.

Reste que sa principale affaire, c'était la compétition ! Selon son humeur, il choisissait ou de briller, ou de servir. Le Tour de France mis à part, force est de constater qu'il eut souvent de beaux jours puisqu'il cumula au total soixante-huit succès professionnels. Sa plus grande fierté ? Avoir décroché au moins trois bouquets par saison puis être sorti du peloton en pleine forme - une opportunité : il avait été contacté pour devenir, en 1979, le directeur sportif de l'équipe Mercier... Il conservait aussi le souvenir du Tour d'Indre-et-Loire 1977, remporté devant son public et devant un jeune loup, Bernard Hinault, vainqueur la semaine précédente de Gand-Wevelgem et de Liège-Bastogne-Liège. Le dernier matin, le Breton menait encore ; mais le ' vieux ', qui avait rallié une partie des anciens à sa cause, usa de complicités pour reprendre l'avantage. En clair, un coup fumant, à défaut d'être entièrement régulier. Eu égard à ses états de service, Danguillaume se le ferait pardonner.

Toutes les histoires ne se terminaient pas bras levés. En maintes occasions, ce gaillard d'1 mètre 80, sans cesse sur le front des classiques, crut tenir le bon bout ; il échoua néanmoins sur le fil, d'abord dans Tours-Versailles 1974 (deuxième), dans Milan-San Remo (sixième après une attaque trop tardive) et dans la Flèche Wallonne (cinquième) en 1975, dans Liège-Bastogne-Liège en 1976 (quatrième), dans Tours-Versailles en 1977 (cinquième). Parallèlement, il finit troisième du championnat du monde 1975 et prit, à trois reprises (1975, 1976, 1978), la deuxième place des Quatre Jours de Dunkerque. D'autres se seraient sentis maudits ; lui décida d'en rire. À la vérité, c'était un épatant coursier.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Jean-Pierre Danguillaume en bref

* Né le 25 mai 1946 à Joué-les-Tours.
* Professionnel de septembre 1969 à décembre 1978 pour le groupe Peugeot. Il devient ensuite directeur sportif chez Mercier.
* 68 victoires pros dont : G.P. de Plouay 1971 ; Critérium National 1973 ; Route Nivernaise 1973 ; Midi-Libre 1974 ; Trophée des Grimpeurs 1974 ; Paris-Bourges 1975 ; Tour d'Indre-et-Loire 1977 ; Tour de l'Aude 1977 + sept étapes du Tour de France.



1 Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Cristel, 1996, p. 240.
2 La Fabuleuse histoire du Tour de France, ODIL, 1983, p. 608.
3 Sources : J'écris ton nom Tour de France, Cristel, 2002, p. 170.
4 Souvenirs de l'auteur.
5 Souvenirs de l'auteur.

Jean-Pierre Danguillaume, le contemporain capital...


Après une victoire prestigieuse dans la Course de la Paix, il devint l'un des meilleurs équipiers du cyclisme. Sa spécialité ? Les étapes dans le Tour de France. Il en gagna sept, haut la main. Portrait de Jean-Pierre Danguillaume...


Pour présenter Jean-Pierre Danguillaume, Pierre Chany avait trouvé cette formule : ' le fils cycliste de Géminiani '1 ! Il voulait signifier : un athlète haut de gamme, solide, entreprenant, généreux, et un homme heureux de vivre, qui n'avait son pareil pour enchanter les soirées. Et Dieu sait si les soirées pesaient lourd dans sa vie... S'il n'en avait tenu qu'à lui, Danguillaume, comme Georges Speicher jadis, aurait milité pour le régime suivant : bal jusqu'à l'aube, petit-déjeuner, décrassage et... en route ! Seulement, parce qu'il était le rejeton d'une authentique famille de coursiers, il s'obligeait à ' faire le métier ', dissipant sa forte nature en d'interminables relais. De 1970 à 1978, il fut pour Peugeot ce que Joseph Bruyère serait chez Molteni.

On avait cru pourtant qu'il viserait plus haut et deviendrait un meneur, à l'égal de Bernard Thévenet, passé pro en même temps que lui sous le maillot à damier... C'était oublier que le Bourguignon, de vingt mois son cadet, possédait une marge de progression supérieure. Pour sa part, Jean-Pierre Danguillaume, né à Joué-les-Tours le 25 mai 1946, avait brûlé nombre de cartouches dans les rangs amateurs, y gagnant cent quatre-vingt épreuves environ, dont Paris-Vailly à dix-neuf ans et la prestigieuse Course de la Paix à vingt-trois ans. De là sa réputation de prodige, puis le qualificatif d'' espoir déçu ' qu'il traîna derrière lui. Or, répétons qu'il était victime d'un abus de langage. Jamais il n'avait eu l'intention de régner dans les Tours - sur ce point, il se différenciait de Géminiani... En revanche, pour allumer des mèches ou lancer le rapide Esclassan, on pouvait le sonner ! Quand il fallait des volontaires, le Tourangeau se levait de bonne heure...

Son premier exploit date de 1970. Il disputait alors le Tour de France, théoriquement pour aider Roger Pingeon, leader de ceux qu'on surnommait les ' lionceaux '. Mais l'abandon du Bugiste lui laissa les coudées franches ; et la veille de l'arrivée finale, le néophyte bondit aux portes de Versailles pour s'offrir une magnifique victoire d'étape. ' Beaucoup d'à-propos... ', commenta Pierre Chany2. Il ne croyait pas si bien dire... Quasiment chaque année, lorsque revenait le mois de juillet, Jean-Pierre Danguillaume surgissait de sa boîte, raflant une nouvelle étape en 1971, une en 1973, deux en 1974 et deux dernières en 1977. Pour un homme qui n'allait pas très vite au sprint, c'était des coups de maître !

Un maître ? Oui, mais à la condition d'admettre qu'il était surtout magicien... Car Jean-Pierre Danguillaume s'imposait aussi bien sur le plat qu'il s'imposait en montagne, à la barbe des grimpeurs ! Ainsi triompha-t-il à La Mongie, en 1974, après cent dix kilomètres d'échappée pyrénéenne, Merckx, Poulidor, Lopez-Carril et Van Impe à ses trousses. Le lendemain, que pensez-vous qu'il fît ? Il repartit à l'assaut, puis régla en force ses trois compagnons de baroud. À l'arrivée, Eddy Merckx soi-même souleva son chapeau.
On sait comment André Rouveyre parlait d'André Gide : un ' contemporain capital '. Eh bien ! pour résumer l'éblouissante période qui mène des cuissards de laine à Bernard Hinault, Jean-Pierre Danguillaume fait figure de ' contemporain capital '. Il a tout vu et tout entendu, à commencer par la haine séparant Luis Ocana d'Eddy Merckx. C'est ainsi qu'il a raconté à Claude Droussent l'histoire d'un critérium fameux, le Belge et l'Espagnol s'entre-déchirant seuls en tête, tandis que les autres concurrents avaient mis pied à terre, admiratifs et respectueux3... Et notre témoin d'ajouter, si besoin, que ces gars, des champions à coup sûr, n'étaient pas des enfants de chœur - enfin, que lui-même n'en était pas... Il avait cette qualité : appelant un chat un chat, et le dopage le dopage, il ne trichait pas quand on approchait avec lui les secrets du cyclisme4. Il faut avoir vu et avoir entendu mentir l'ensemble de ses pairs pour comprendre l'importance de cette dignité-là5.

Reste que sa principale affaire, c'était la compétition ! Selon son humeur, il choisissait ou de briller, ou de servir. Le Tour de France mis à part, force est de constater qu'il eut souvent de beaux jours puisqu'il cumula au total soixante-huit succès professionnels. Sa plus grande fierté ? Avoir décroché au moins trois bouquets par saison puis être sorti du peloton en pleine forme - une opportunité : il avait été contacté pour devenir, en 1979, le directeur sportif de l'équipe Mercier... Il conservait aussi le souvenir du Tour d'Indre-et-Loire 1977, remporté devant son public et devant un jeune loup, Bernard Hinault, vainqueur la semaine précédente de Gand-Wevelgem et de Liège-Bastogne-Liège. Le dernier matin, le Breton menait encore ; mais le ' vieux ', qui avait rallié une partie des anciens à sa cause, usa de complicités pour reprendre l'avantage. En clair, un coup fumant, à défaut d'être entièrement régulier. Eu égard à ses états de service, Danguillaume se le ferait pardonner.

Toutes les histoires ne se terminaient pas bras levés. En maintes occasions, ce gaillard d'1 mètre 80, sans cesse sur le front des classiques, crut tenir le bon bout ; il échoua néanmoins sur le fil, d'abord dans Tours-Versailles 1974 (deuxième), dans Milan-San Remo (sixième après une attaque trop tardive) et dans la Flèche Wallonne (cinquième) en 1975, dans Liège-Bastogne-Liège en 1976 (quatrième), dans Tours-Versailles en 1977 (cinquième). Parallèlement, il finit troisième du championnat du monde 1975 et prit, à trois reprises (1975, 1976, 1978), la deuxième place des Quatre Jours de Dunkerque. D'autres se seraient sentis maudits ; lui décida d'en rire. À la vérité, c'était un épatant coursier.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Jean-Pierre Danguillaume en bref

* Né le 25 mai 1946 à Joué-les-Tours.
* Professionnel de septembre 1969 à décembre 1978 pour le groupe Peugeot. Il devient ensuite directeur sportif chez Mercier.
* 68 victoires pros dont : G.P. de Plouay 1971 ; Critérium National 1973 ; Route Nivernaise 1973 ; Midi-Libre 1974 ; Trophée des Grimpeurs 1974 ; Paris-Bourges 1975 ; Tour d'Indre-et-Loire 1977 ; Tour de l'Aude 1977 + sept étapes du Tour de France.



1 Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Cristel, 1996, p. 240.
2 La Fabuleuse histoire du Tour de France, ODIL, 1983, p. 608.
3 Sources : J'écris ton nom Tour de France, Cristel, 2002, p. 170.
4 Souvenirs de l'auteur.
5 Souvenirs de l'auteur.